Dernière mise à jour à 08h23 le 26/05
Situé à une quarantaine de kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, le village d'Iidate est aujourd'hui une ville presque fantôme. Peu de traces de présence humaine sont visibles, les mauvaises herbes prolifèrent, de l'eau croupie coule partout, et aucun son ne se fait entendre hormis les croassements de quelques corbeaux.
Le photographe japonais Shinsyuu Hida s'est rendu plus de 30 fois dans la zone contaminée par les radiations. Lorsqu'il regarde à travers l'objectif de son appareil, il ne peut souvent retenir ses larmes, en particulier face aux "réfugiés nucléaires" qui souffrent de maladies telles que le cancer de la thyroïde et n'ont personne vers qui se tourner.
"A Fukushima, les familles dont certains membres sont atteints d'un cancer de la thyroïde sont en proie à la solitude et à la douleur, car elles ne souhaitent pas révéler leurs blessures à leurs amis ou leurs proches et ne veulent pas parler des radiations nucléaires à leurs enfants", explique M. Hida.
En juin 2015, M. Hida a rencontré une jeune fille de Fukushima atteinte d'un cancer de la thyroïde qui assistait à sa cérémonie de remise des diplômes du collège lorsque l'incident nucléaire est survenu.
L'année suivante, elle a développé un cancer de la thyroïde qui l'a forcée à subir une ablation de la partie droite de sa thyroïde. Une partie de ses ganglions lymphatiques ont également dû être retirés lors de sa troisième année de lycée.
Le cancer a continué à évoluer alors qu'elle commençait ses études à l'université, et elle n'a donc eu d'autre choix que de cesser ses études pour subir une ablation totale de la thyroïde, une déscolarisation qui a brisé ses rêves de devenir styliste.
Ses parents sont en colère. En effet, personne n'assume la responsabilité de la souffrance de leur fille, les autorités ayant déclaré que sa maladie n'était pas liée à l'incident nucléaire.
Or, cette jeune fille n'est que l'un des 166 adolescents qui ont contracté ou sont soupçonnés d'avoir contracté un cancer de la thyroïde, dont 116 ont déjà été opérés.
Cinq ans après la crise nucléaire, les parents de ces enfants ont formé un groupe demandant au gouvernement de prouver que la souffrance de leurs enfants n'est pas liée à l'incident nucléaire.
En février dernier, Satiko Sato, une mère de famille de Fukushima, s'est plainte auprès du quotidien espagnol El Mundo d'une conférence de presse organisée par le gouvernement.
"Les mères de famille de Fukushima n'étaient pas autorisées à poser ne serait-ce qu'une seule question, toutes les questions étaient posées par des journalistes pro-gouvernementaux. Le gouvernement et les médias japonais nous négligent et nous humilient délibérément", a-t-elle déploré.
Selon Shinichi Korobe, pédiatre et consultant auprès de la Fondation des enfants de Tchernobyl, les centres de soins visant à réduire les radiations nucléaires résiduelles manquent également.
"Avec un traitement de seulement quatre semaines dans un centre de soins, on peut réduire de 30% le césium radioactif résiduel dans le corps humain", a souligné M. Korobe.
Pourtant, les centres de soins mis en place à la suite de l'incident sont bien moins nombreux que ceux établis à la suite de la catastrophe de Tchernobyl.
Compte tenu de l'approche du gouvernement japonais, les conséquences sur le long terme seront probablement plus graves qu'à Tchernobyl, a regretté M. Korobe.
Il a en outre souligné que des familles avaient été brisées à la suite de la catastrophe, et que les mères seules souffrent d'un grand stress mental et ont besoin d'aide de toute urgence.
Kanna Mitsuta, directrice de l'organisation japonaise de protection de l'environnement Friend of the Earth Japan, s'inquiète profondément de la nouvelle politique du gouvernement japonais qui consiste à accélérer le retour des réfugiés nucléaires déplacés à Fukushima, ce qui consisterait à abandonner les réfugiés nucléaires au nom de la reconstruction. La cause de la catastrophe n'a toujours pas été clarifiée et les risques radioactifs restent élevés dans les villes d'origine des réfugiés, a souligné Mme Mitsuta.
Selon un sondage d'opinion réalisé par le quotidien japonais Asahi Shimbun en 2015, plus de 70% des résidents de Fukushima ne sont pas satisfaits des mesures prises par le gouvernement à la suite de la catastrophe nucléaire.
Mais un gouvernement qui souhaite étouffer l'affaire n'a que faire de l'opinion publique.