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Dans la région indonésienne de Toraja, les gens vivent avec leurs morts à la maison

le Quotidien du Peuple en ligne | 21.04.2017 09h35

La plupart d'entre nous n'aiment pas penser ou parler de la mort, mais il y a des gens qui le font. Dans la région de Toraja à Sulawesi, en Indonésie, les morts sont même une partie constante de la vie quotidienne. Là-bas, les corps des défunts sont gardés à la maison, parfois pendant des années, dans un cercueil ouvert, permettant à chacun de leur rendre visite, de leur parler, de leur offrir des cadeaux, comme s'ils étaient simplement malades, mais toujours vivants. Pour beaucoup d'entre nous, l'idée de garder le corps d'un homme mort à la maison aurait quelque chose d'extraterrestre. Pourtant, pour plus d'un million de personnes de cette partie du monde, c'est une tradition vieille de plusieurs siècles. Ici, les croyances animistes brouillent la ligne de démarcation entre ce monde et celui qu'on dit meilleur, rendant les morts très présents dans le monde des vivants.

Après la mort de quelqu'un, des mois, parfois des années, peuvent se passer avant qu'un enterrement ait lieu. En attendant, les familles gardent leurs corps dans la maison et s'occupent du défunt comme s'il était malade. Ils reçoit de la nourriture, des boissons et des cigarettes deux fois par jour. Il est lavé et ses vêtements changés régulièrement. Les morts ont même un bol dans le coin de la pièce qui leur sert de « toilettes ». En outre, les défunts ne sont jamais laissés seuls et les lumières sont toujours laissées allumées eux quand il fait nuit. Car les familles craignent que, s'ils ne s'occupent pas correctement des cadavres, les esprits de leurs proches auront des problèmes. Pour les habitants de Toraja, avoir un proche décédé à la maison les aide à faire leur deuil. Cela leur donne le temps de s'adapter lentement à sa nouvelle identité : celle d'un mort.

Au cours de leur vie, les habitants de Toraja travaillent dur pour accumuler de l'argent. Mais plutôt que de le faire pour mener une vie luxueuse, ils épargnent pour un départ glorieux vers l'au-delà. Le corps reste exposé jusqu'à ce que sa famille soit prête à lui dire au revoir -à la fois émotionnellement et financièrement. Et c'est alors que le corps quitte la maison de la famille lors d'un enterrement aussi inimaginable que somptueux, après une grande procession autour du village. Selon la croyance locale, les funérailles commencent quand l'âme sort définitivement de cette Terre et commence son long et difficile voyage jusqu'à Pooya -la dernière étape de l'au-delà, là où l'âme se réincarne. On pense que les buffles sont les porteurs de l'âme dans l'au-delà et c'est pourquoi les familles en sacrifient autant que possible pour faciliter le voyage du défunt.

Mais même l'enterrement ne signifie pas pour autant dire adieu aux morts. La relation physique entre les morts et les vivants se poursuit longtemps après, à travers un rituel appelé « ma'nene », ou « nettoyage des cadavres ». Tous les deux ans environ, les familles sortent les cercueils de leurs parents de leurs tombes et les ouvrent, pour une grande réunion avec les défunts. Les amis et la famille proposent de la nourriture et des cigarettes aux morts, les habillent et les lavent avec amour. Ensuite, ils posent avec eux pour de nouveaux portraits de famille. Selon Andy Tandi Lolo, professeur de sociologie à Torajan, c'est un moyen de maintenir « l'interaction sociale entre ceux qui vivent et ceux qui sont morts ». Dans le reste du monde, ces pratiques peuvent sembler bizarres. Mais peut-être que les principes qui se trouvent derrière elles ne sont pas tellement différentes de celles que l'on trouve dans d'autres cultures. Se souvenir des morts est quelque chose que beaucoup d'entre nous essayons de faire. Les habitants de Toraja ont simplement adopté une approche très différente.

(Rédacteurs :Wei SHAN, Guangqi CUI)
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