Par Raphaël MVOGO
En différé de trois ans sur la date officielle du 1er octobre 2011, les festivités du cinquantenaire de la réunification du Cameroun survenue en 1961 suite au ralliement des deux régions anglophones du pays après son rattachement au Nigeria par l'administration coloniale britannique, se déroulent jeudi à Buea (Sud-Ouest) en présence du président Paul Biya.
Cet événement marque la commémoration de l'un des grands moments de l'histoire du Cameroun, partagé, respectivement pour sa partie francophone, la plus grande connue à l'époque sous le nom de Cameroun oriental, et sa partie anglophone limitée à deux régions, entre les administrations française et britannique après la défaite de l'Allemagne lors de la première guerre mondiale.
D'abord sous tutelle de la Société des nations (l'ancêtre de l' Organisation des Nations Unies), l'ancien territoire sous protectorat allemand accède alors, sous l'appellation de Ré publique du Cameroun, à l'indépendance le 1er janvier 1960, au terme d'une guerre de libération réprimée dans le sang par le colonisateur français, dans sa seule partie orientale, rejointe le 1er octobre 1961 par la partie occidentale.
Dès lors, voit le jour, sous la direction du premier président Ahmadou Ahidjo, la République fédérale du Cameroun, remplacée le 20 mai par la République unie du Cameroun avant de reprendre plus tard en 1984 son appellation d'origine de l'indépendance, deux ans après l'arrivée au pouvoir de Paul Biya le 6 novembre 1982 à la faveur de la démission d'Ahidjo.
Après plusieurs reports depuis 2011, les festivités des 50 ans de la réunification ont néanmoins reçu un cachet spécial similaire à celui du cinquantenaire de l'indépendance en mai 2010 au cours duquel d'importantes personnalités internationales s'étaient ré unies à Yaoundé dans le cadre d'une conférence baptisée « Africa 21 », consacrée à une réflexion sur la place de l'Afrique dans le concert des nations.
Présent depuis mardi à Buea, la principale ville du Sud-Ouest, le président Paul Biya, qui a inauguré la veille un somptueux monument de la réunification, s'est livré dans son allocution jeudi à un exercice de « devoir de mémoire » et d'« obligation de vérité » pour souligner l'importance de ce « jour de la renaissance du grand Cameroun » symbolisé par le 1er octobre 1961.
Autour de lui, le défilé militaire et civil organisé à la place de l'indépendance de cette ville paisiblement dressée au pied du mont Cameroun a mobilisé les grands corps de l'Etat et des figures marquantes de la classe politique dont le chef de file de l'opposition Ni John Fru Ndi, en provenance de Bamenda, son fiel et lieu de résidence du Nord-Ouest.
Cette présence du leader du Social Democratic Front (SDF) a notamment valeur de symbole, puisque le Nord-Ouest constitue avec le Sud-Ouest la partie du territoire camerounais autrefois intégré e par les autorités de Londres dans leur colonie du Nigeria, donnant lieu à un élargissement de leur territoire colonial.
Acquis par référendum, le retour de ce territoire à la mère- patrie est l'oeuvre « de Camerounais et (de) Camerounaises qui avaient foi (..) en leurs capacités à prendre en main leur destin »,de l'avis de Paul Biya. « Nous tenons indéfectiblement à l'unité nationale qu'ils nous ont léguée », a déclaré le chef de l'Etat.
Dans son discours prononcé dans les deux langues officielles, le français et l'anglais, le dirigeant camerounais a retracé l'évolution de son pays depuis les deux événements de l'indépendance et de la réunification, un parcours émaillé d'une « douloureuse guerre civile » et une « sévère crise économique » (vers la fin des années 80).
« Après 70 ans d'occupation étrangère, 3% de Camerounais étaient scolarisés (en 1960). Il n'y avait pas une seule université. Aujourd'hui, notre taux de scolarisation, selon l'Unicef, est de 90% », a-t-il affirmé, rappelant, en plus d'une kyrielle d'établissements scolaires primaires et secondaires, l'ouverture à l' heure actuelle de huit universités d'Etat.
Contre 555 à l'indépendance, le Cameroun recense en outre aujourd'hui 2.260 formations sanitaires publiques dont 4 hôpitaux généraux et 3 hôpitaux centraux. De 621 km bitumés au départ, le réseau routier s'étend désormais sur environ 50.000 km dont près de 5.000 km bitumés. L'aviation comptabilise 21 aéroports dont 4 internationaux.
A Douala, la métropole économique, les pays dispose du port fluvial le plus important de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC, composée par ailleurs du Congo, du Gabon, de la Guinée équatoriale, de la République centrafricaine et du Tchad). Trois ports maritimes se découvrent aussi sur ses côtes.
Paul Biya a par ailleurs décrit un pays engagé dans la deuxième phase de son industrialisation, celle permettant de « sortir de l'économie de traite où nous avons longtemps été confinés », un espoir pour l'amélioration des conditions de vie de ses quelque 20 millions d'habitants qui ont vu leur espérance de vie de croître de 40 ans en 1960 à 52 ans actuellement.
La célébration en grande pompe des 50 ans de la réunification, lors d'une journée déclarée fériée et chômée pour les travailleurs camerounais par un décret présidentiel, intervient cependant dans un contexte de quasi-paralysie de l'administration camerounaise, du fait d'une longue attente d'un nouveau gouvernement depuis les élections législatives et municipales tenues le 30 septembre 2013.