Dernière mise à jour à 08h52 le 09/02
Après la violente interpellation par la police d'un jeune de la banlieue parisienne, jeudi dernier, à Aulnay-sous-Bois, l'"affaire Théo" prend un tournant politique et fait resurgir la fracture sociale entre les forces de l'ordre et les populations des quartiers difficiles de l'Hexagone qui s'étaient violemment affrontées lors d'émeutes urbaines en 2005.
L'"affaire Théo", du nom du jeune homme gravement blessé à coups de matraque au niveau de la zone rectale lors d'un contrôle d'identité le 2 février à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), secoue le pays et pousse politiciens et responsables locaux à prendre position sur un dossier épineux dans le contexte d'une campagne présidentielle chaotique.
Le souvenir des émeutes d'octobre-novembre 2005, suite à la mort de deux adolescents dans un poste électrique où ils s'étaient réfugiés pour échapper aux policiers, est en effet encore dans toutes les têtes.
Dans le cadre de l'affaire Théo, quatre policiers ont été mis en examen dimanche pour "violences volontaires en réunion et viol". Le maire de la ville, Bruno Beschizza (droite), ancien policier, a publiquement dénoncé leur comportement. Les associations anti-racistes sont montées au créneau.
Après plusieurs nuits de violences consécutives au cours desquelles les forces de l'ordre se sont livrées à des tirs de sommation à balles réelles, la police faisait état mercredi d'une situation "globalement calme" à Aulnay-sous-Bois.
D'autres incidents ont éclaté dans plusieurs villes de Seine-Saint-Denis, sans que l'on ne sache s'ils sont liés à l'arrestation de Théo. Selon la police, des "affrontements sporadiques mais très violents" sont à déplorer dans les communes avoisinantes d'Aulnay-sous-Bois.
Le président français, François Hollande, s'est rendu mardi en fin de journée au chevet du jeune homme de la cité des 3.000 (ainsi nommée en référence au nombre de logements) située près de l'aéroport Charles de Gaulle. En soutien à Théo, plusieurs centaines de personnes ont par ailleurs manifesté mardi à Paris en début de soirée dans une ambiance tendue.
Le jeune homme de 22 ans avait de son côté lancé un appel au calme et exhorté mardi les habitants de son quartier à ne "pas faire la guerre" et à "rester unis", affirmant avoir "confiance en la justice".
Selon le journal L'Express, qui cite une source policière, 17 personnes (dont 11 mineurs) auraient été interpellées en Seine-Saint-Denis dont cinq à Aulnay-sous-Bois, et devraient être présentées ce mercredi à la justice.
Des violences émaillent régulièrement les quartiers difficiles de l'Hexagone où, très souvent, se télescopent trafic de drogue, colère de la population et exaspération des forces de sécurité.
La mort, l'an dernier, dans des circonstances troubles, d'un jeune de 24 ans, Adama Traoré, interpellé à Beaumont-sur-Oise, avait entraîné une escalade. Les frères du défunt ont été poursuivis en justice et l'aîné, reconnu coupable de violences contre les policiers, a été condamné à 8 mois de prison.
Le 8 octobre 2016, près de la Grande-Borne, au sud de Paris, une voiture de police stationnée avait été la cible d'une embuscade au cocktail Molotov. Deux policiers avaient été gravement brûlés et une quinzaine d'interpellations de jeunes, dont plusieurs mineurs, ont eu lieu à la mi-janvier.
En mai dernier, les images du véhicule incendié et des policiers assiégés lors de l'attaque d'une de leurs voitures à Paris, près de la place de la République, ont fait le tour du monde.
Ces incidents à répétition ont conduit le gouvernement à préparer un nouveau projet de loi sécuritaire, dans le but notamment d'ajuster les conditions d'utilisation des armes à feu des policiers sur celles des gendarmes. Le texte, déjà adopté au Sénat, est actuellement examiné à l'Assemblée nationale.