Dernière mise à jour à 08h27 le 07/04
Lancé voilà tout juste un an, En Marche ! ressemble de plus en plus à un véritable parti. Le mouvement d'Emmanuel Macron, l'outsider devenu favori à l'élection présidentielle, a recueilli plus de 230 000 soutiens. Au-delà du scrutin des 23 avril et 7 mai prochains, le défi, pour l'ancien ministre de l'Economie du président Hollande, consistera à assurer la continuité d'une aventure politique inédite sous la 5e République.
"Ce n'est pas un mouvement pour avoir un énième candidat de plus à la présidentielle. Ce n'est pas ma priorité aujourd'hui", déclarait Emmanuel Macron, le 6 avril 2016 depuis Amiens, sa ville natale, à l'occasion du lancement de son mouvement.
En une année, les choses ont bien changé pour l'ancien ministre de l'Economie qui a démissionné de ses fonctions le 30 août dernier. Grâce à En Marche! (EM!), l'ancien banquier de 39 ans peut désormais prétendre accéder au perron de l'Elysée, assurent les sondages.
Une capacité de séduction indéniable, des meetings qui attirent la foule, des militants en nombre et une série de ralliements, la "bulle Macron" évoquée par de nombreux observateurs n'a pas éclaté, bien qu'il soit toujours difficile de mesurer l'ancrage réel du phénomène et même si rien n'est encore joué dans cette campagne présidentielle qui, depuis les primaires, a déjoué tous les pronostics.
En portant son mouvement (acronyme de ses propres initiales) sur les fonts baptismaux, Emmanuel Macron s'était d'abord attiré de nombreuses critiques, des railleries aussi, dans un climat de scepticisme teinté d'une certaine curiosité. Son inexpérience (jamais jusqu'ici le candidat à la présidentielle ne s'était présenté à une élection), son positionnement ni droite ni gauche, son opportunisme, le flou de son programme ont été largement pointés du doigt.
Il n'empêche. En une année, En Marche! peut désormais compter sur plus de 230 000 soutiens et revendique 80 salariés, affirme Sylvain Fort, le directeur de la communication d'Emmanuel Macron. Sans compter la légion de bénévoles, les "helpers" comme on les appelle dans l'état-major du prétendant à l'Elysée.
"Le plus paradoxal, vu son parcours d'énarque et de banquier, est qu'il soit parvenu à incarner une alternative politique totale" , estime le politologue Vincent Martigny (Cevipof/Sciences Po Paris), pour qui Emmanuel Macron joue aussi, par la création de son mouvement et son ascension personnelle, sur "l'imaginaire de la start-up" qui parle aux jeunes. "C'est un marketing où la forme compte autant que le fond", avance-t-il.
Emmanuel Macron utilise toujours l'expression "mouvement politique" mais évoque désormais aussi celle de "parti". "On est dans un entre-deux", considère le secrétaire général d'En Marche ! Richard Ferrand. EM!, qui a le statut d'association loi 1901, a d'ailleurs commencé à se structurer comme un parti politique traditionnel avec des "référents" par départements à la tête de comités locaux.
Si le mouvement, qui s'est positionné sur le dépassement des clivages partisans, a jusqu'ici accepté la double appartenance, les candidats pour les législatives de juin devront renoncer à leur parti d'origine et se présenter sous l'étiquette EM!. Exception faite pour ceux issus MoDem, dont le président, François Bayrou, s'est engagé en faveur d'Emmanuel Macron. Les deux hommes donneront d'ailleurs un meeting commun le 12 avril à Pau (sud-ouest de la France).
N' ayant participé encore à aucune élection et ne comptant aucun élu, EM! ne reçoit aucune subvention publique, seulement des dons privés, auxquels s'ajoute le prêt de 8 millions d'euros contracté par Emmanuel Macron. Mais EM! a déclaré se soumettre, comme un parti, aux obligations financières électorales, ouvrant un compte spécial de campagne, et a d'ores et déjà annoncé qu'il respectera les mêmes règles de financement de la vie politique pour les prochaines échéances électorales.
S'imposer aux législatives est donc vital pour l'avenir du mouvement. De l'ampleur du succès dans les 577 circonscriptions dépendront les subventions publiques. La dynamique pourrait être enrayée en cas d'échec d'Emmanuel Macron à la présidentielle, préviennent plusieurs politologues. D'ailleurs, à moins de trois semaines du premier tour de la présidentielle, même si on affiche la confiance, on se garde bien de crier victoire dans les rangs du prétendant à l'Elysée.
Sa prestation lors des derniers débats télévisés a été jugée moins bonne. Emmanuel Macron n'est pas encore à l'abri d'un faux pas ou d'un nouveau retournement de cette folle campagne présidentielle. Invité jeudi soir de "L'Emission politique" sur France 2, il va devoir croiser le fer avec le bras droit de François Fillon, Bruno Retailleau, qui ne manquera pas de l'attaquer frontalement en jetant les dernières forces dans la bataille pour le candidat Les Républicains qui n'a plus rien à perdre.
Jusqu'ici, le fondateur d'En Marche! a largement bénéficié des ennuis judiciaires de son adversaire de droite, plombé par le PenelopeGate, et d'une conjoncture politique favorable, profitant des déboires d'une gauche divisée et empêtrée par le bilan du quinquennat de François Hollande. Il a su mener sa campagne tambour battant avec stratégie et apparaît à certains comme le vote utile pour faire barrage à Marine Le Pen. Mais poursuivra-t-il son irrésistible ascension? Sa capacité de séduction se traduira-t-elle pleinement dans les urnes?
"Nous ne pouvons savoir avec certitude si EM - le mouvement et le candidat - sauront séduire au-delà des élites. Est-ce que ce 'catch all' candidat-mouvement saura attraper tous les électorats, dans toutes les classes sociales et dans toutes les campagnes de France?", s'interroge Virginie Martine, docteur en sciences politiques qui enseigne à la Kedge Business School.