Dernière mise à jour à 08h40 le 26/04
Alors que Marine Le Pen est immédiatement repartie à l'assaut, son rival dans la course à l'Elysée Emmanuel Macron semble temporiser tandis que l'ensemble de l'échiquier politique peine à trouver ses marques dans une nouvelle configuration qui déconcerte nombre d'électeurs français.
Au lendemain du premier tour de scrutin, la candidate du Front national (FN), arrivée en deuxième position avec 21,3% des suffrages derrière le fondateur d'En Marche! (24,01%), s'est propulsée dès lundi dans la bataille en vue du duel du 7 mai. Selon les résultats publiés sur le site du ministère de l'Intérieur, elle a recueilli 7,68 millions des voix (un record historique pour le FN) tandis qu'Emmanuel Macron en a obtenu 8,66 millions.
Les deux finalistes se sont retrouvés mardi, en fin de matinée, dans la cour de la préfecture de police à Paris, à l'invitation du président français François Hollande, lors de l'hommage national au policier tué jeudi dernier sur les Champs-Elysées.
Marine Le Pen, qui s'est symboliquement mise en congé de la présidence de son parti, a choisi une stratégie offensive d'occupation du terrain et d'attaques frontales contre son adversaire. Sur le marché alimentaire de Rungis (Val-de-Marne), mardi, elle a cherché une nouvelle fois à cliver le débat.
"Emmanuel Macron est pour la dérégulation totale, l'ouverture totale, le libre-échange total. Moi je crois que l'Etat doit poser des régulations au marché pour établir une concurrence loyale, permettre qu'un acteur ne détruise pas l'autre, comme c'est souvent le cas avec la grande distribution", a-t-elle déclaré.
La candidate d'extrême droite multiplie les déclarations dans le but de séduire les électeurs déçus des résultats du premier tour. Elle a ainsi exprimé "une pensée pour les électeurs de François Fillon", victimes selon elle d'une "trahison" du candidat Les Républicains/LR qui a appelé à voter pour Emmanuel Macron.
Elle sera jeudi soir en meeting dans le sud de la France, à Nice, bastion de la droite puis au Parc des Expositions de Villepinte pour un grand rassemblement à l'occasion du traditionnel 1er mai frontiste.
Avec son discours qui fustige la mondialisation, Marine Le Pen espère aussi convaincre des électeurs de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Le leader de la gauche radicale, qui a réussi une belle percée avec 19,58% des voix au premier tour, a refusé de donner des consignes de vote pour le 7 mai. Mardi a débuté une consultation des militants dont les résultats seront connus vendredi.
Contrairement à la candidate du FN, Emmanuel Macron s'est fait plutôt discret en ce début de semaine dans le but de peaufiner sa stratégie et d'organiser des consultations, a indiqué son entourage. Sa campagne de l'entre-deux-tours ne devrait véritablement commencer que mercredi avec un déplacement dans la Somme suivi d'un meeting dans le Pas-de-Calais à Arras, deux départements du Nord de la France où Marine Le Pen enregistre d'excellents scores.
Le fondateur d'En Marche! a essuyé des critiques pour son attitude jugée trop "triomphaliste" et pour avoir fêté les résultats du premier tour dans une brasserie chic parisienne. Le secrétaire général du Parti socialiste (PS) Jean-Christophe Cambadélis a ainsi jugé qu'Emmanuel Macron a pensé "à tort" dimanche soir "que c'était fait alors que ce n'est pas fait".
"Je trouve qu'on a sous-estimé depuis 48 heures le résultat de Marine Le Pen (...) Malgré une campagne pas terrible, elle est au second tour. Dans les sondages, on nous l'annonce à 40%", a-t-il déclaré.
Emmanuel Macron peut cependant compter sur de nombreux ralliements et soutiens de part et d'autre de l'échiquier politique français, comme de l'étranger. A commencer par celui du président Hollande. Mais certains observateurs politiques se demandent si cela ne risque pas de se révéler en partie contre-productif et donner des arguments à Marine Le Pen qui n'a de cesse de le présenter comme le "candidat du système et de la mondialisation".
Reste surtout que les deux grands partis historiques sont en proie à des crises quasi-existentielles et leurs électeurs, profondément déboussolés. Laminé dans les urnes, le PS avec 6,36% des voix, a certes appelé à voter en faveur d'Emmanuel Macron mais cela ne cache pas de profondes divisions quant à la stratégie à mener en vue des législatives et celle de la nécessaire reconstruction. Le score de Jean-Luc Mélenchon chamboule complètement les rapports de force internes à la gauche.
A droite, le président du Sénat Gérard Larcher s'est félicité que Les Républicains/LR aient "évité l'implosion" après une "défaite historique" et soient restés unis dans la perspective des législatives des 11 et 18 juin.
Mais le texte de compromis, avalisé lundi soir par le bureau politique LR, qui appelle à "voter contre Marine Le Pen pour la faire battre au second tour de l'élection présidentielle", sans appeler explicitement à voter Macron, masque des divergences notables, annonciatrices de guerre de chefs à venir.
Au sein de LR en effet, certains excluent catégoriquement de participer à une coalition autour d'Emmanuel Macron tandis que d'autres n'auraient "aucune hésitation" à intégrer le gouvernement si le leader d'En Marche! se retrouvait sans majorité claire à l'Assemblée nationale.
L'ordre électoral qui prévalait sous la Ve République, structurée autour de l'alternance de deux grands partis politiques, est profondément chamboulé par cette présidentielle 2017. Les réserves de voix dont disposent Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont de ce fait difficiles à mesurer avec certitude.
Outre Jean-Luc Mélenchon, sept autres candidats n'ont pas encore pris position pour le second tour. Enfin, il est aléatoire d'anticiper le comportement d'électeurs en perte de repères, dans une France en crise, traversée par de multiples fractures. Certains s'inquiètent d'ailleurs des limites du "front républicain" et d'une abstention différentielle qui pourrait faire le jeu du Front national.