Dans son bureau, depuis lequel on aperçoit la nouvelle ambassade de France à Pékin, Olivier Guibert me présente la Chambre de commerce et d'industrie française en Chine (CCIFC). Dans ce marché chinois où tout le monde essaye de prendre sa part, les entreprises françaises ont la part belle : plus de 1 500 entreprises basées en Chine, 2 200 implantations, 500 000 employés. Des chiffres qui expliquent l'importance de cet organisme dans les échanges commerciaux sino-français.
Avant de développer sur la Chambre de commerce, Olivier Guibert commence par répondre à ma question sur la plus ancienne entreprise française installée en Chine. Selon lui, c'est un ancêtre de la BNP Paribas vers 1860 implanté à Shanghai et dans les ports chinois francs pendant la guerre de l'Opium. Pour ce qui est de la Chine populaire, c'est Air France qui est aussi la première compagnie occidentale à avoir ouvert des vols réguliers Paris-Shanghai en 1966, deux ans après la création des relations sino-françaises. La première joint-venture sino-française Dynasty fut elle fondée par Rémy Martin et le second producteur de vin chinois à Tianjin en 1980, peu après la réforme et l'ouverture de la Chine.
Plusieurs rôles à remplir
Il me déroule ensuite la liste des rôles de la Chambre de commerce et ils sont nombreux ! Le premier et le principal est de soutenir les entreprises qui s'implantent, ou qui sont déjà implantées.
Il ajoute que pour celles qui s'installent, la Chambre de commerce peut parfois héberger ces nouvelles venues dans des bureaux situés dans le même bâtiment que celle-ci. Elle peut également aider à faire le recrutement pour les entreprises.
La Chambre de commerce organise régulièrement des galas et cocktails pour permettre aux entreprises de se rencontrer, c'est aussi un rôle de networking qu'a donc la Chambre de commerce. Cela permet de mettre en relation les entreprises françaises et les entreprises chinoises, mais aussi aux entreprises françaises « de partager les expériences pour guider les plus jeunes, les plus faibles dans leurs premiers pas sur la Chine ».
Enfin, Olivier Guibert fait remarquer que récemment et dans une petite mesure, la CCIFC aide aussi à l'implantation des entreprises chinoises en France. En effet, il n'existe pas de Chambre de commerce chinoise en France. Les entreprises chinoises, sauf cas particuliers, ne sont pas encore aptes à faire de la prospection et des études de marché à l'étranger, car pas assez connaisseuses.
Domaines clés les plus visibles
Pour ce qui est des domaines dans lesquels la France réussit le mieux en Chine, il y a, selon Olivier Guibert, le nucléaire civil, l'automobile qui – même si ce domaine a connu des bas – reprend de l'altitude depuis quelques années. La santé est également un domaine porteur ; l'agro-alimentaire et notamment les soins vétérinaires ; l'élevage intensif dont la visite d'une délégation chinoise au SPACE de Rennes l'année dernière est le témoin. Le luxe est également un des domaines clés des implantations françaises en Chine. Depuis quelques années, enfin l'environnement avec notamment les technologies d'énergies renouvelables, le traitement des déchets et eaux usées qui commencent à voir se créer une forte demande en Chine. Mais pour Olivier Guibert, c'est le tertiaire qui va certainement se développer le plus dans les prochaines années.
Les tigres sur le chemin
Olivier Guibert, lui-même directeur de Thalès pour la Chine et l'Asie du Nord-Est, fait tout de même remarquer que mettre le pied « sur » la Chine n'est pas si facile que l'on le croit. Le premier tigre que l'on rencontre sur son chemin est celui de la langue puis celui de la culture. Ensuite, on peut approcher la Chine par plusieurs côtés pour une implantation d'entreprise. Choisir le lieu d'implantation d'une entreprise peut parfois relever du casse-tête : faut-il s'installer dans une grande ville telle Beijing, Shanghai ou Guangzhou ou préférer s'installer dans une ville de deuxième rang voire troisième rang ? On peut aussi avoir des considérations techniques liées à la forme de l'implantation : entreprise à capitaux mixtes ou capitaux uniques, avec quelle entreprise chinoise, à combien de pourcents ? Autant de questions auxquelles peut aider à répondre la Chambre de commerce.
D'où cette phrase d'Olivier Guibert qui résume la situation lorsqu'il s'agit « d'achinir » (terme désignant l'arrivée en Chine parfois comparée à un allunissage) : « la difficulté c'est de faire le premier pas, et de le faire correctement, parce que si jamais on le fait pas correctement, après il faut rectifier, c'est d'autant plus difficile ».
Besoin de clarté et de stabilité
Pour ce qui est des problèmes rencontrés après leur implantation en Chine par les entreprises françaises, pour le président de la Chambre de commerce française, le plus dur est l'aspect légal et l'accessibilité au marché. Selon ses paroles, le « besoin de clarté et de stabilité de façon à avoir une concurrence loyale entre les entreprises étrangères et les entreprises nationales » est le problème majeur. Ainsi que l'accessibilité au marché. En effet, le public procurement est très faible en Chine. Le marché est plus ouvert en Europe et aux états-Unis. « On se trouve face à une économie un peu biaisée et bien entendu qui tend à favoriser les entreprises nationales et les entreprises d'État. Les règles de marché ne sont pas encore là », nuance encore Olivier Guibert.
En fait, c'est plus d'équité entre les entreprises étrangères et chinoises que demandent les entrepreneurs installés sur le marché chinois. C'est pourquoi les entreprises françaises espèrent beaucoup des réformes entamées récemment. « J'espère que les réformes qui ont été entamées dans le principe mais pas encore matérialisées vont permettre à la Chine de se normaliser encore plus et de se transformer en économie de marché, je veux dire, on n'y est pas encore », déclare ainsi Olivier Guibert.
Considérer la Chine comme une terre d'importation
Malgré toutes ces inquiétudes des entrepreneurs étrangers installés en Chine, la Chine « n'est plus un pays sur lequel on s'interroge, c'est un pays dans lequel on doit être. C'est un pays dans lequel il n'est pas facile de se positionner, c'est encore un pays qui a ses particularités assez fortes, en voie de normalisation, donc les gens ne peuvent plus ignorer la Chine ».
En effet, d'après les prévisions, la Chine, actuellement la deuxième économie du monde, aura dépassé les quatre premiers pays industriels à l'horizon 2018, la classe moyenne chinoise ne cessant de s'enrichir et de s'agrandir deviendra un marché que l'on ne pourra plus ignorer. « Les Français vont forcément être amenés à se développer en Chine et je pense à investir en Chine, car dans beaucoup de domaines on se doit d'être ici ». En effet, d'après certains analystes économiques, le marché intérieur chinois se développant de plus en plus, la Chine va commencer à passer du statut de pays exporteur à celui de pays importateur. Il faudra donc cesser de le voir comme un pays depuis lequel on importe, mais comme un pays vers lequel on exporte et sur ce terrain-là, notamment dans le domaine du tertiaire qui s'affiche comme la prochaine phase de développement de la Chine après celle d'explosion industrielle qui a beaucoup profité à l'industrie allemande, c'est au tour de la France de prendre le relais. Avec des produits français tels que les objets de luxe, les services financiers et d'assurances, les services touristiques, les services aux personnes âgées, et les autres formes de services en général - dont le marché chinois manque cruellement - la France a une véritable carte à jouer.
De belles réalisations et une vraie confiance dans le marché chinois
Olivier Guibert estime également qu'il faut rester confiant sur le marché chinois, car celui-ci comme exposé ci-dessus est en voie de normalisation et l'horizon reste optimiste. « Je reste confiant sur les perspectives que la Chine offre. Toutefois, il faut être organisé, volontariste. La Chine, d'un autre côté, c'est un pays dans lequel il faut être patient. Il faut se donner le temps de comprendre, d'apprendre son partenaire, l'administration est lourde, c'est une terre de contrastes. »
La réussite des entreprises françaises implantées en Chine est de plus en plus stable et sereine, cela grâce à une meilleure connaissance du marché et de la culture chinoise. Un des meilleurs exemples est PSA Peugeot-Citroen qui avait mal démarré et qui remonte la pente avec une toute nouvelle stratégie d'approche du marché chinois.
Dans le domaine des réalisations, la Chambre de commerce décerne chaque année un trophée pour récompenser les entreprises françaises en Chine. Certaines pour l'audace, d'autres pour leur croissance, d'autres pour l'entreprenariat. Cette année par exemple, c'est l'entreprise Plastic Omnium spécialisée dans la fabrication de plastiques pour habitacles automobiles qui sur six ans a réalisé une croissance de 98 % qui a reçu le trophée Croissance, Cache-Cache Beaumanoir quant à lui a été récompensé du prix de l'Audace pour son adaptation au marché chinois. Carrefour a été récompensé du prix de l'Alliance, et Splio du trophée de l'Entrepreunariat.
La Chambre de commerce implantée depuis vingt ans, pour son vingtième anniversaire étant arrivé en 2012, émit l'idée d'un livre commémoratif pour le cinquantenaire des relations bilatérales. Ce livre intitulé Le Temps de la Chine (45 euros) présente de façon très complète et systématique l'évolution du marché chinois et les réalisations commerciales françaises effectuées en Chine. Une mine d'informations à lire avec patience et envie...
SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction
Source: La Chine au présent
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