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Cameroun : le café délaissé dans certains bassins de production, au profit du cacao et d'autres cultures (REPORTAGE)

( Xinhua )

17.02.2013 à 13h20

Un grand nombre de planteurs de café du Moungo, département de la région du Littoral au Cameroun, ont choisi de se retirer de la culture du café qui constituait jadis leur principale ressource de revenus avec le cacao, pour se tourner vers celui-ci et d'autres cultures qu'ils considèrent plus rentables.

Alors que les autorités camerounaises annoncent un objectif de 90.000 tonnes de production annuelle à l'horizon 2015, soit environ le double de la production actuelle estimée à quelque 45.000 tonnes pour l'arabica et le robusta confondus, les planteurs de café de Penja et de Mbanga, à une soixantaine de kilomètres de Douala, la métropole économique, n'en éprouvent plus d'enthousiasme.

Ces deux localités du département du Moungo font partie d'une région connue auparavant comme un grand bassin de production de ce produit de rente et aujourd'hui acquise à la culture du poivre et des cultures vivrières telles les bananes (dessert et plantain), les arbres fruitiers et même les fleurs, avec la présence de grandes compagnies agro-industrielles.

"Le café a baissé dans le Moungo à 30% parce que les prix ont découragé les planteurs, quand on vendait il se vendait 6.000 francs le sac (de 70 kilos, soit 12 USD)", a souligné à Xinhua Augustin Docteur Kegno, délégué du groupement d'initiative commune des promoteurs de cacao-café et du développement de la banane plantain de Mbanga (Gic Procadeba).

Ces prix dérisoires de moins de 86 francs CFA le kilo de café sont consécutifs à la chute des cours mondiaux de 2007-2008 ayant provoqué l'actuelle crise de confiance des planteurs camerounais.

Or, avec une production annuelle record de 132.000 tonnes en 1986 et 156.676 tonnes d'exportation en 1990, le Cameroun comptait auparavant parmi les premiers producteurs africains.

Selon Kegno, partenaire de la Compagnie de transformation et d'exportation du cacao et du café (Cotec) basée en France, "un planteur qui produisait 10 sacs se retrouvait avec 60.000 francs. Trop peu pour subvenir aux besoins de sa famille, dont le paiement des frais de scolarité de ses enfants".

Malgré une remontée des prix à 650 francs CFA le kilo à l'heure actuelle, le jeune opérateur économique estime que les horizons restent sombres pour la filière, puisque "le café va continuer de chuter" et les jeunes n'en sont pas attirés.

"Sur 100 planteurs, 94 abandonnent et abattent le café", témoigne sur un constat plus alarmant Collins Duplex Djeffoa Tuette, un jeune agriculteur de 29 ans de Penja qui a pris la relève de son père dans une plantation de 25 hectares dont 15 dédiés au cacao et 10 sans mise en valeur.

C'est une exploitation à l'origine de café. "Le café a été annulé et le cacao s'est imposé", informe le jeune homme rencontré dans un champ d'ananas en pleine récolte. Sans aucune formation aux techniques agricoles, il enregistre cependant une maigre formation d'à peine une tonne sur une superficie de 5 hectares de cacao, devenu la base des activités familiales.

Suite à une campagne de sensibilisation gouvernementale visant à améliorer la productivité et la production cacaoyère en déconseillant le recours aux mauvaises pratiques telles le séchage du produit sur le goudron, les Djeffoa se sont équipés en un four semi-moderne pour un meilleur conditionnement de leur cacao.

A en croire Augustin Kegno, le respect des normes est une réalité vécue dans le Moungo. "Nous ici (à Mbanga, NDLR), nous vivons du cacao. On a 80% (de nos membres) qui s'efforcent de respecter les normes. Par exemple dans le tonnage que le Gic Procadeba a produit cette année. Au port de Douala, les bordereaux du cacao de Mbanga reçoivent toujours de bonnes appréciations".

Avec ses 300 adhérents, ce regroupement annonce une production annuelle de 1.800 tonnes, sur une superficie totale d'environ 600 hectares. Contrairement à d'autres régions camerounaises où cette activité reste une affaire de vieux planteurs dont l'âge moyen est situé entre 55 et près de 62 ans, les jeunes sont plutôt en première ligne à Mbanga, selon Kegno.

"Ça veut dire que ce sont nouvelles créations. On trouve de vieilles plantations, parce qu'il y a des jeunes qui ont succédé aux parents, mais elles se renouvellent chaque année", dit-il.

Mais, comme avec le café, des signaux d' alerte se font jour. "Aujourd'hui, le kilo est à 850 francs (1,7 USD), mais le planteur a encore en tête le prix de 1.400 francs (2,8 USD) qui était pratiqué il y a trois ans. Ce n'est pas facile d'expliquer aux planteurs que cette baisse ne vient pas de nous les acheteurs, mais qu' elle est due au marché international", s'inquiète l'exportateur.

Attiré par la culture du poivre qui bat tous les records de prix de vente dans le pays, atteignant les 7.000 à 7.500 francs CFA (14 et 15 USD) board champ, François Montcheu, habitant de Bouba 2 à Penja, n'a pas hésité à abattre un hectare de café pour le remplacer par cette épice en voie d'obtention d'une indication géographique.

Mais, ce n'est pas tout le département du Moungo qui a décidé de faire le deuil du café. Nkongsamba, principale ville de la région, et Tombel, frontalières de la région de l'Ouest qui en est le plus grand bassin de production national, n'ont pas jugé utile de trahir une histoire ancienne riche en succès datant de l'époque coloniale.

Par Raphaël MVOGO

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