Dernière mise à jour à 08h59 le 28/04
Créée par le chef de l'Etat en janvier en réponse à des troubles survenus deux mois auparavant dans les régions anglophones, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme au Cameroun est opérationnelle depuis jeudi, suite à l'entrée en fonction de ses premiers dirigeants nommés en mars.
Le Cameroun a été secoué au cours des derniers mois par une vague de tensions provoquées par un mouvement d'humeur survenu fin novembre à Bamenda, dans le Nord-Ouest, et soldé par des violences meurtrières, à l'origine de nombreuses arrestations et des procès en justice contre leurs auteurs présumés.
Les instigateurs de cette manifestation, un collectif de syndicats d'enseignants anglophones, avaient justifié leur action qui s'était par la suite étendue à l'ensemble de la région du Nord-Ouest puis à celle du Sud-Ouest voisine, comme une expression de protestation contre leur marginalisation dans un système éducatif et institutionnel à dominante francophone.
La veille, une marche d'avocats avait aussi agité pour les mêmes motifs la ville de Bamenda, symbole de la lutte pour la démocratie au Cameroun en 1990 sous l'instigation de John Fru Ndi, le leader du Social Democratic Front (SDF) et principal opposant au régime du président Paul Biya.
Le gouvernement, après avoir ouvert avec les manifestants un dialogue ayant tardé à produire des résultats, continue encore de chercher une solution à cette crise, marquée par des journées villes mortes et qui a entraîné l'interruption de l'année scolaire et universitaire dans les deux régions.
La création le 23 janvier par le chef de l'Etat de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et le multiculturalisme suivie de la nomination de ses premiers dirigeants le 15 mars est une mesure visant à apaiser ces tensions et à créer un climat de confiance entre la majorité francophone et la minorité anglophone, les deux blocs sociolinguistiques du pays.
Installant jeudi à Yaoundé l'ex-chef du gouvernement Peter Mafany Musongue, sénateur originaire du Sud-Ouest, comme président de cette institution avec son adjoint Oumarou Djika Saïdou et les treize autres commissaires, le Premier ministre Philemon Yang a salué un événement qui "ouvre de nouvelles perspectives pour la consolidation de notre vouloir vivre ensemble".
"Le vivre ensemble est fondé sur notre histoire commune faite de joies et de peines partagées", a déclaré M. Yang, qui a vanté les qualités des nouveaux responsables comme "quinze personnalités de profils divers ayant en partage le patriotisme et l'engagement pour les causes les plus nobles de notre nation".
L'équipe, qui comporte en son sein quatre femmes et trois anciens ministres (Ama Tutu Muna, Benjamin Itoe et David Abouem Tchoyi), a la charge d'œuvrer à la "promotion de notre diversité culturelle et de nos deux langues officielles, dans l'effet de renforcer l'unité nationale et l'intégration nationale", a-t-il précisé.
Dès son accession à l'indépendance en 1960, le Cameroun, une mosaïque de quelque 250 ethnies et langues maternelles selon les estimations, a adopté comme langues officielles le français et l'anglais, symbole de son double héritage colonial avec la France et la Grande-Bretagne. Depuis lors, les deux langues sont cependant restées diversement pratiquées d'une partie à l'autre du pays.
La valorisation des cultures et langues locales est désormais aussi un objectif recherché par les autorités, pour un meilleur ancrage du "vivre ensemble" prôné par le chef de l'Etat.
Par Raphaël MVOGO