Dernière mise à jour à 09h46 le 04/02
La ministre kenyane des Affaires étrangères, Amina Mohamed, a perdu la présidence de l'Union africaine (UA) face à son homologue tchadien, Moussa Faki Mahamat, en raison d'un soutien timoré des pays voisins et d'une décision en dernière minute du bloc francophone de soutenir leur propre candidat, ont rapporté les experts.
Malgré des mois de navettes diplomatiques et de campagne active, Mme Mohamed n'a pas obtenu ce poste convoité lors des élections en marge du sommet des chefs d'État de l'UA qui a eu lieu à Addis Abeba en début de cette semaine.
Face à ses quatre concurrents, Mme Mohamed avait l'avantage d'un curriculum irréprochable, d'un esprit aisé et de bonnes relations, ce qui lui a assuré une avance confortable lors des premières étapes du scrutin.
Cette avocate de 56 ans a pourtant perdu la bataille pour la présidence de la commission de l'UA lors du septième tour de vote, lorsque des blocs régionaux qui lui avaient auparavant promis leur soutien ont changé de camp.
S'adressant aux Kenyans à l'issue de cette élection âprement disputée, Mme Mohamed a attribué sa défaite imprévue à la tiédeur du soutien de certains voisins du Kenya, ainsi qu'aux rivalités d'intérêts entre les pays anglophones et francophones.
"C'est un fait que des blocs régionaux qui avaient publiquement exprimé leur soutien à ma candidature ont changé de camp ou se sont abstenus à la dernière minute. Toutefois, nous avons tiré des leçons importantes de ces élections de l'UA", a déclaré Mme Mohamed mercredi.
Le président Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto avaient fait campagne énergiquement pour soutenir la ministre des Affaires étrangères qui devait succéder à la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la Commission de l'UA.
À la mi-janvier, le Kenya était parvenu à récolter le soutien de 51 pays pour son adhésion à la commission de l'UA.
Les médias locaux ont rapporté que le gouvernement avait dépensé quelque 350.000 dollars en missions diplomatiques et en lobbying intense pour s'assurer ce poste influent au siège de l'UA.
M. Ruto et plusieurs membres du gouvernement ont mené des expéditions dans de nombreux pays africains pour demander leur soutien à la candidature de Mme Mohamed.
Alors que la campagne touchait à sa fin, les responsables kenyans étaient convaincus que Mme Mohamed avait une bonne chance de l'emporter grâce au soutien enthousiaste du bloc d'Afrique de l'Est et d'une grande partie de la région anglophone.
Des diplomates kenyans s'exprimant sous le couvert de l'anonymat ont commenté que la trahison de certains pays d'Afrique de l'Est voisins avaient mis un terme à la quête de Nairobi pour décrocher ce poste d'influence à la tête de l'UA.
"Les autres régions se sont ralliées autour de leur candidat, pourtant le soutien public de certains de nos voisins ne s'est pas concrétisé. D'autres ont choisi de s'abstenir lors du vote, portant un coup à notre candidature", a déclaré un diplomate kenyan.
Le Kenya a connu des défis géopolitiques profonds dans sa quête pour conquérir les plus hauts échelons de la direction de l'UA.
Les experts locaux ont convenu que les idéologies politiques et les luttes pour le prestige diplomatique et économique avaient ruiné les espoirs du Kenya d'emporter la présidence de la Commission de l'UA.
"Nous devons admettre que tout le monde dans cette région n'apprécie pas la position inégalée du Kenya comme puissance diplomatique, militaire et économique. Le vote contre notre candidate lors des élections de l'UA traduit cette révolte", estime Vincent Kimosop, juriste basé à Nairobi.
Le Kenya est resté sur la défensive après l'échec de cette candidature, déclarant que cela n'affecterait pas les relations de ce pays avec le reste du continent.
Lors d'un dîner en son honneur de dirigeantes mercredi, Mme Mohamed a réaffirmé l'engagement du Kenya à un dialogue solide avec les blocs régionaux pour faire progresser la croissance économique, la paix et la sécurité.
"Le Kenya continuera de poursuivre un dialogue diplomatique avec le reste du continent malgré sa défaite dans l'élection pour la présidence de l'UA. Il y a beaucoup de choses qui nous unissent au-delà des élections", a indiqué Mme Mohamed à des femmes entrepreneures.
La perte de ce siège convoité à la tête de l'organisation continentale offre au Kenya une opportunité pour réévaluer ses priorités dans la sphère diplomatique, a-t-elle ajouté.
L'échec du Kenya à obtenir la présidence de la Commission de l'UA a fait grand bruit dans la région.
Alors que les accusations mutuelles se multiplient, certains pays comme l'Ouganda ont pris la parole énergiquement pour réfuter les accusations selon lesquelles ils auraient trahi la quête de leur voisin de diriger l'organisation continentale.
Le ministre ougandais des Affaires étrangères a indiqué dans un communiqué rédigé mercredi soir que Kampala avait voté pour Amina Mohamed à la présidence de la Commission de l'UA.
"Nous tenons à affirmer catégoriquement que notre soutien à la candidature de (Mme Mohamed) avant et pendant ces élections a été sans équivoque", a déclaré le ministère ougandais des Affaires étrangères dans ce communiqué.