Dernière mise à jour à 15h48 le 09/02
Le président américain Donald Trump entend plus que jamais ériger un mur à la frontière américano-mexicaine afin de réduire l'immigration clandestine, mais plusieurs experts doutent de son efficacité.
Lors de la campagne électorale, M. Trump a fait de la sécurité aux frontières un point majeur de son programme, répétant à l'envi qu'il ferait bâtir ce mur pour bloquer l'entrée quotidienne de clandestins venus du Mexique et d'Amérique centrale.
On estime qu'il y a aujourd'hui quelque 11 millions de clandestins vivant aux Etats-Unis et cette question de l'immigration non maîtrisée est l'objet d'un âpre débat dans le pays ces dernières années.
Les partisans du mur estiment que celui-ci permettra d'éliminer une concurrence déloyale dans une économie où des millions d'Américains sont au chômage ou sous-employés, ajoutant que l'immigration illégale tire les salaires vers le bas. Même si des économistes soulignent que les clandestins occupent des emplois dont les Américains ne veulent pas, d'autres assurent que ceux qui n'ont pas trouvé de travail ferait tout pour en avoir un.
Tiffany Howard, professeur à l'Université du Nevada à Las Vegas, indique dans un entretien à Xinhua qu'il est encore difficile d'évaluer l'impact de mur vu qu'il n'a pas encore fait l'objet d'une loi. Personne ne sait encore si ce sera un mur physique ou si l'on se contentera de prolonger la barrière existante, qui est aujourd'hui longue de 1.000km sur les quelque 3.200km de frontière.
"Si c'est réellement un mur avec des garde-frontières tout le long, cela peut réduire potentiellement le nombre de ceux qui entrent par le Mexique. Mais en même temps, il faut se souvenir qu'il existe des tunnels entre le Mexique et les Etats-Unis, ce qui constitue un autre accès que des clandestins peuvent emprunter", explique-t-elle.
Un tel ouvrage pourrait donc réduire le flux des sans-papiers pour un temps, mais il existe d'autres moyens pour entrer aux Etats-Unis, note Mme Howard, qui parie sur une baisse initiale des entrées illégales, avant qu'elles ne retrouvent un cours normal.
Darrell West, chercheur principal à la Brookings Institution, rappelle que la frontière entre les deux pays est extrêmement longue. Selon lui, "il serait extrêmement coûteux et guère pratique de construire un mur sur toute la longueur de la frontière".
"S'il y a un mur, les passeurs pourraient tout simplement creuser des tunnels en dessous. Il serait aussi très difficile d'en financer la construction : certaines estimations font déjà état de 20 milliards" de dollars, note M. West.
De plus, à un moment où les budgets fédéraux font face à d'importantes coupes, il n'est pas certain que l'opinion publique américaine soit persuadée que le coût élevé du mur en vaille la peine. Beaucoup préféreraient qu'on dépense cet argent pour l'éducation ou la santé, estime le chercheur.
Ce mur risque également de dégrader les relations avec le Mexique, d'autant que M. Trump a assuré que c'est son voisin du Sud qui paiera la note.
Le mois dernier, la Maison Blanche a annoncé qu'elle allait mettre en place une taxe sur les produits mexicains pour financer la construction du mur. La controverse a entraîné l'annulation d'une visite prévue du président mexicain Enrique Pena Nieto. Pour Darrell West, cette construction reviendra à ériger d'autres barrières entre les deux pays et notamment une profonde divergence sur la façon d'aborder la situation.
Ana Rosa Quintana, spécialiste de l'Amérique latine à l'Heritage Foundation, un think tank conservateur basé à Washington, se dit néanmoins optimiste quant au fait de voir les deux pays s'engager à aller de l'avant en dépit des différends.
"Tous deux reconnaissent le besoin de sécuriser et de moderniser la frontière. Des améliorations significatives des infrastructures sont nécessaires tant pour protéger les deux pays que pour favoriser le commerce", dit-elle.
L'autre problème que Donald Trump veut résoudre est la quantité massive de stupéfiants entrant sur le territoire américain. Sur ce point, M. West pense qu'un mur ne servira à rien, car les trafiquants le contourneront en creusant des tunnels ou en passant par la mer.
"La situation d'ici quelques années a peu de chances d'être meilleure que ce qu'elle est aujourd'hui", conclut-il.