Dernière mise à jour à 11h14 le 22/02
Le Soudan du Sud n'organisera probablement pas les élections tant attendues en 2018 à cause du retard pris dans la mise en place des clauses électorales clé de l'Accord sur la Résolution des conflits au Soudan du Sud (ARCISS) visant à mettre fin à plus de trois ans de conflits, selon les experts.
Les spécialistes du Soudan du Sud interviewés par Xinhua à Juba ont expliqué que, depuis sa formation en avril dernier, le gouvernement d'unité transitionnel n'a toujours pas achevé le processus de mise en place de la Commission nationale sur les amendements constitutionnels (NCAC), qui est important pour la rédaction et l'examen des lois électorales qui pourraient affecter les élections de 2018 prévues en mai.
Le Soudan du Sud n'a pas connu d'élections démocratiques depuis son indépendance en 2011, après plus de deux décennies de guerre civile avec le Soudan qui se sont achevées par l'ascension au pouvoir du président Salva Kiir à l'issu d'un vote référendaire, entraînant une période de transition dans le pays riche en pétrole mais appauvri.
L'ARCISS prévoit que la NCAC promulgue en l'espace de six mois la Loi électorale nationale (NEA) 2012 et reconstitue la Commission électorale nationale (NEC), ce qui n'a pas été fait un an et demi après la naissance de l'ARCISS.
Le ministre de l'Information, Michael Makuei, a semé le doute sur la probabilité que des élections soient organisées, expliquant qu'il était prématuré d'évoquer le sujet maintenant à cause des autres sujets plus importants pour le moment.
"Il est prématuré de parler des élections prévues l'année prochaine", a souligné M. Makuei, ajoutant que la NCAC sera formée plus tard pour assumer son rôle.
"L'ARCISS prévoit que dans les six mois qui suivent sa signature, la NEA 2012 soit amendée, et cet amendement n'a pas encore été fait. Peut-être que ceux qui pensent que les élections peuvent se dérouler n'importe quand n'ont pas lu comme il faut l'accord de paix", a répliqué Jacob Dut Chol, professeur de politique à l'Université de Juba.
"L'autre chose importante c'est que l'ARCISS prévoit que dans les sept premiers mois, la NEC doit de nouveau être reconstituée. Il faut reconstituer, restructurer et nommer les commissaires par le président et son premier vice-président, ce qui n'a pas été fait", a-t-il ajouté.
"Il faut la paix et le cessez-le-feu dans le pays. Pour organiser des élections, il faut des électeurs dans les régions du Nil Supérieur et d'Equatoria, et une paix authentique, pas seulement une paix dont parlent les journaux, mais une paix qui montre qu'il n'y a plus de tirs", a insisté M. Chol.
Il a ajouté que l'insécurité dominante lors des déplacements de masse dans plusieurs parties du pays signifie que le recensement de population, vital pour les élections, pourrait être difficile à effectuer et pourrait même affecter les préparations des prochaines élections.
D'après le HCR, l'agence onusienne pour les réfugiés, il y a 1,5 million de réfugiés sud-soudanais dans les pays voisins, en plus de plus de 2 millions de déplacés sur les sites de protection des civils de l'ONU.
Le dernier recensement au Soudan du Sud a été effectué en 2008 et estimait à 8 millions le nombre d'habitants dans le pays.
L'expert juridique basé en Afrique du Sud, Remember Miamingi, a rappelé à Xinhua que les élections ne sont pas des mécanismes de paix et ne pourront être menées que lorsque la paix et la sécurité seront rétablies au Soudan du Sud, indiquant que plus de la moitié de la population se trouve toujours sur les sites de protection des civils et les camps de réfugiés.
Il a ajouté que les élections allaient également coûter des millions de dollars au pays qui est au bord de la faillite, car les demandes du gouvernement de transition auprès des bailleurs de fonds pour venir en aide à son maigre budget depuis l'année dernière ne se sont pas concrétisées.
"En fait, la paix, la sécurité, la sûreté et la nourriture sont les besoins immédiats des Sud-Soudanais. Les élections sont le besoin immédiat de ceux qui veulent la légitimité", a-t-il ajouté.
M. Miamingi a souligné l'importance de ressusciter l'ARCISS qui est mis à mal depuis la reprise des combats en juillet dernier.
"Je ne vois pas comment les élections peuvent être organisées en 2018 en l'absence de la mise en place de l'accord qui l'a prévu en premier lieu", a-t-il questionné.
L'analyste politique basé à Juba, James Okuk, a précisé à Xinhua que le gouvernement transitionnel doit d'abord intégrer les clauses de l'ARCISS dans la Constitution de transition de 2011, ce qui n'a pas encore été fait.
Il a émis des doutes quant à la réussite des élections si elles étaient organisées l'année prochaine sans que la paix ne soit d'abord établie.
"Il est impossible d'organiser des élections dans l'état actuel des choses. A moins que le gouvernement ne veuille organiser des élections que dans les territoires qu'il contrôle", a ajouté M. Okuk.
Par Denis Elamu