Dernière mise à jour à 11h17 le 18/02
Un dirigeant d'une entreprise majeure se trouve aujourd'hui en prison, accusé d'avoir participé à un scandale de corruption qui pourrait renverser le plus haut dirigeant d'un pays. Dans la plupart des endroits, cette image alimenterait probablement une campagne de nettoyage des liens incestueux entre les entreprises et le gouvernement. Cette situation se passe aujourd'hui en Corée du Sud - mais les perspectives d'un grand ménage regard incertaines. L'arrestation sans précédent vendredi du leader de facto de Samsung, la plus grande entreprise dans le pays, a souligné une fois de plus l'influence politique démesurée des plus grandes entreprises familiales en Corée du Sud. Ceux qui critiquent leur pouvoir ont en revanche applaudi l'arrestation de Lee Jae-yong, vice-président de Samsung, la qualifiant d'étape importante vers la lutte contre cette autorité.
D'autres craignent cependant que cette arrestation ne conduise pas nécessairement à des changements radicaux, soutenant que la Corée du Sud doit lutter contre la corruption et réformer son économie. L'arrestation est « juste le début », a déclaré Sim Sang-jeung, un député de l'opposition qui a fait campagne pour la transparence dans les plus grandes entreprises. Elle a mis en garde contre une tendance régnant au sein des organismes d'application de la loi pour traiter les grands chefs d'entreprise avec des gants. « Nous avons besoin de voir si les procureurs demandent une sentence digne de ses crimes et s'il est reconnu coupable d'une telle peine », a déclaré Mme Sim. « C'est seulement quand il aura purgé une longue peine que les gens croiront que la loi est vivante dans leur pays ». L'affaire soulève également des questions sur le sort de Samsung, une grande entreprise dont la branche électronique représente à elle seule un cinquième des exportations de la Corée du Sud.
La Corée du Sud est confrontée à un équilibre précaire. Pendant des décennies, sa croissance a été alimentée par des sociétés comme Samsung, l'un d'un groupe de conglomérats familiaux appelés chaebol. Les chaebol sont maintenant solidement ancrés dans l'économie du pays, les 10 plus grands générant des revenus dépassant 80% du produit intérieur brut de la Corée du Sud. Les groupes d'affaires avertissent que perturber les chaebol pourrait nuire à l'économie. « Nous sommes choqués et profondément inquiets », a déclaré la Fédération des employeurs de Corée, un lobby pro-business, dans une déclaration à propos de l'arrestation. « Samsung est une entreprise de taille mondiale qui représente la Corée du Sud, et nous craignons que le vide dans sa gestion pèse lourdement sur l'économie à cause de l'incertitude croissante et mette à mal sa crédibilité internationale ». Mais la puissance des chaebol fait face à une colère croissante du public sur sa perception de la corruption et du favoritisme. De fait, parmi les 10 plus grands chaebol, 6 de leurs dirigeants ont été reconnus coupables de crimes en col blanc. Beaucoup ont été graciés ou ont vu leur peine suspendue ou réduite.
Reflétant l'humeur du public, le parti au pouvoir -et généralement pro-busines – le Parti Coréen de la Liberté Parti a déclaré qu'il respectait la décision de la justice d'arrêter M. Lee et a déclaré « regretter que les gens aient été à nouveau déçus par la collusion profonde entre la politique et les affaires ». M. Lee est accusé de corruption, de détournement de fonds et de parjure dans le cadre d'une enquête sur une confidente de la Présidente du pays, Park Geun-hye, qui fait maintenant face à une destitution. Samsung a dit M. Lee travaillera à effacer son nom au tribunal. La police a arrêté M. Lee et l'a placé en garde à vue, un geste sans précédent pour un haut responsable de Samsung. Mais en termes d'accusations d'actes répréhensibles contre un haut dirigeant, ce n'est pas une première pour Samsung. Le père de M. Lee, Lee Kun-hee, président de Samsung, fut en effet par deux fois reconnu coupable de corruption et d'évasion fiscale. Pourtant, il n'a jamais passé la moindre journée en prison. Aujourd'hui, selon les critiques des chaebol, le sort du jeune Lee sera un test de la jeune démocratie et du système judiciaire de la Corée du Sud. Ce sera également un test pour Samsung. Pour la première fois de son histoire de 79 ans, la société se retrouve sans leader. Lee Jae-yong parti, il n'y a aucun haut dirigeant pour élaborer des plans à long terme et prendre des décisions stratégiques, reflétant la sclérose et l'archaïsme des chaebol que tant de Sud-coréens dénoncent.